Cri du cœur d’un directeur d’école

Retour de la Commission de l’Education au parlement du 23 mars 2021 : cri du cœur d’un directeur d’école

Réponse à la carte blanche par Marc Vande Weyer, directeur de l’Institut Marie Immaculée – Ecole fondamentale (Anderlecht)

 

1.5        Question de Mme Marie-Martine Schyns à Mme Caroline Désir, ministre de l’Éducation, intitulée «Cri du cœur d’un directeur d’école: quel appui de la Fédération Wallonie-Bruxelles?»

Mme Marie-Martine Schyns (cdH). – La carte blanche d’un directeur d’école publiée dans la presse le 11 mars 2021 a mis en évidence le rôle joué au quotidien par les directeurs des écoles de la Fédération Wallonie-Bruxelles. Les propos du directeur sont mesurés et empreints de son amour du métier et de son engagement pour les élèves. Il se réfère à un article décrivant l’expérience d’une enseignante de Châtelineau et les «héros du quotidien à l’heure des comptes» dans le contexte de la Covid-19. Sans pour autant nier le travail des enseignants dans leurs classes, il regrette que, dans l’article, «aucune référence n’est faite à ceux qui, dans le monde de l’enseignement, ont vraiment été les acteurs de première ligne, les directrices et directeurs». Il rappelle toutes les consignes sanitaires, parfois contradictoires, imposées dans des circulaires publiées à une cadence importante et précédées par des annonces sur les réseaux sociaux. Il dénonce l’ingérence du pouvoir régulateur dont les consignes, notamment sur la suspension de l’obligation scolaire ou sur les décisions des jurys ou conseils de classe, ne sont pas toujours appréciées ni nécessaires. Il dénonce aussi la clé de répartition du plan de relance européen pour la rénovation des bâtiments scolaires. Il conclut sa carte blanche – et je cite – en regrettant que «la Fédération Wallonie-Bruxelles ne prenne pas la réelle mesure de nos difficultés malgré des discours cajoleurs qu’elle nous envoie via la ministre Désir qui s’est d’ailleurs fait une spécialité de ne communiquer avec nous que par la presse et les médias. Nous constatons que la situation des directions n’intéresse pas la Fédération WallonieBruxelles. Elle ne manque pourtant pas une occasion pour nous donner des tâches complémentaires et nous donner des responsabilités qui me font souvent perdre le sommeil.» Pour ce directeur, comme pour beaucoup de personnes, la situation devient très compliquée étant donné la multiplication des règles et des responsabilités.

Madame la Ministre, quelle est votre réaction à cette carte blanche? Consultez-vous régulièrement les associations des directions, organes représentatifs des directions existant depuis plus de 25 ans? Votre cabinet ou l’administration ont-ils créé des groupes de travail avec les associations de direction pour traiter, en amont, des changements ou réformes à venir ou d’autres thématiques qui ne sont pas reprises dans le Pacte pour un enseignement d’excellence?

Même si ce n’est pas la revendication de l’auteur de la carte blanche, avez-vous planifié la réflexion sur la tension barémique des directions? Pour rappel, cette expression désigne la différence trop ténue entre le salaire d’un enseignant et celui d’un directeur. Quelles sont les prochaines mesures prévues par le Pacte pour les directions? Quelles mesures d’incitation prévoyez-vous pour pallier la difficulté des pouvoirs organisateurs à remplacer les directeurs et directeurs adjoints?

Dans sa carte blanche, le directeur avance que 30 % des écoles bruxelloises durant la première vague et ensuite 65 % des écoles bruxelloises durant la deuxième vague ont reçu des «recommandations» pour retravailler leur plan de pilotage. Comment expliquez-vous cette hausse? Toutes les écoles de la deuxième vague ont-elles finalisé leur plan de pilotage? En raison de la crise, vous avez prolongé, l’année passée, le délai d’élaboration des plans de pilotage. À quelles dates les écoles de la troisième vague doivent elles le déposer?

Mme Caroline Désir, ministre de l’Éducation. – Je lis toutes les cartes blanches qui concernent l’enseignement ou qui me sont adressées, j’ai donc aussi lu avec attention celle du directeur d’école dont vous parlez. Je suis consciente de l’investissement exigé par l’exercice de cette fonction, particulièrement en période de crise sanitaire. Je regrette les constats posés dans la carte blanche, car je considère que les directions jouent un rôle essentiel dans le fonctionnement de leur école. La semaine dernière, j’ai rencontré pour la deuxième fois cette année les associations de directeurs de l’enseignement libre fondamental et de l’enseignement libre secondaire. À cette occasion, j’ai écouté leurs retours du terrain et j’ai répondu à leurs questions. Nous avons convenu de tenir des réunions à intervalles réguliers et de réactiver le groupe de travail des directeurs de l’enseignement libre et de l’enseignement officiel.

La revalorisation barémique des directions sera abordée globalement dans les discussions liées à la réforme de la formation initiale des enseignants (FIE). Les grandes orientations Pacte pour un enseignement d’excellence concernant le développement du leadership des directions sont inscrites dans l’avis n° 3. Vous-même, en tant que ministre, aviez commencé à les mettre en œuvre en proposant des dispositions visant à revoir les conditions de recrutement et de nomination des directions. J’ai poursuivi ce travail et le Parlement a adopté le décret du 4 février 2021 portant des mesures diverses concernant les fonctions de promotion et de sélection dans l’enseignement, qui prévoit des allègements en fin de carrière pour les directeurs.

Les travaux encore à entreprendre concernent, d’une part, les modalités de mise en place d’une structure collégiale de directions et, d’autre part, l’évaluation des directions en lien avec celle des enseignants. Concernant le recrutement des directions, le décret du 14 mars 2019 modifiant diverses dispositions relatives aux fonctions de directeur et directrice, aux autres fonctions de promotion et aux fonctions de sélection a notamment facilité l’accès à la fonction de directeur. Il a adapté les conditions statutaires à remplir de sorte que les membres du personnel ne doivent plus être nommés ou engagés à titre définitif et il a revu les procédures d’appels aux candidats. Si le décret a fait augmenter le nombre de candidatures reçues par certains pouvoirs organisateurs depuis septembre 2019, d’autres continuent par contre à éprouver des difficultés pour remplacer leur direction ou direction adjointe.

Enfin, s’il est exact que 30 % des écoles bruxelloises de la première vague ont reçu des recommandations lors de l’élaboration de leur plan de pilotage, la proportion est toutefois de 49 % pour la deuxième vague et non pas 65 %. Lorsque les délégués au contrat d’objectifs (DCO) formulent une recommandation motivée à l’établissement, il s’agit de s’assurer que le contrat soit de la meilleure qualité possible. Une recommandation n’est donc pas négative en soi, elle vise à améliorer la qualité intrinsèque des plans de pilotage pour qu’ils répondent au mieux aux besoins des établissements.

Sur les 49 % d’écoles bruxelloises de la deuxième vague qui ont reçu des recommandations, 65 % ont soumis à ce jour un plan de pilotage adapté à leur délégué au contrat d’objectifs. Pour les écoles de la troisième vague, j’avais reporté la date de dépôt des plans de pilotage en raison du contexte sanitaire. Les écoles concernées devront déposer leur plan de pilotage entre le 1er janvier 2022 et le 30 avril 2022. Nous en avons également débattu au sein de cette commission lors de l’examen du projet de décret de confirmation des arrêtés de pouvoirs spéciaux adoptés pendant le premier confinement.

Mme Marie-Martine Schyns (cdH). – Merci d’avoir rappelé la date d’échéance du dépôt des plans de pilotage que j’avais perdue de vue et merci d’avoir corrigé le pourcentage des écoles bruxelloises de la deuxième vague qui ont reçu des commentaires. Comme vous le soulignez, 65 % d’entre elles ont déjà déposé leur plan de pilotage adapté, ce qui démontre que les directeurs d’écoles prennent ce travail au sérieux malgré le contexte de crise.

Je ne suis pas satisfaite de votre réponse sur la tension barémique entre les directeurs et les enseignants. La réforme de la FIE se fait attendre et son calendrier est incertain. Lier la tension barémique à la réforme FIE ne permettra pas aux directeurs d’écoles d’obtenir une réponse concrète à court terme. Il faudrait plutôt l’intégrer dans les discussions sur l’accord sectoriel.

Je suis, par contre, ravie que vous rencontriez les associations des directeurs de l’enseignement secondaire et de l’enseignement fondamental du réseau libre. Il est toutefois important de rencontrer aussi celles des autres réseaux. C’est donc une bonne initiative de relancer le groupe de travail des directeurs du réseau libre et du réseau officiel, qui aurait pu être relancé plus tôt pour éviter la naissance d’un ressenti négatif dans le chef de certains directeurs.