Directions du communal, tous dans le même bateau.

Témoignage de la direction d’une école communale d’Etterbeek dont nous vous faisons part avec son accord.

 

Besoin de vider mon sac… j’ai écrit à Madame Caroline Désir… je lui raconte la journée d’une directrice (un peu) débordée…

Madame La Ministre,
Je tenais à vous faire part de mon quotidien depuis la mise en place des mesures “tracing covid” au sein des écoles. J’ai écrit ce texte le 14 septembre mais depuis, mon quotidien n’est fait que de tracing. J’ai fermé 5 classes. La gestion est compliquée et les parents sont parfois démunis face à cette situation.
J’espère que mon texte retiendra votre intérêt et qu’il s’ajoutera aux nombreuses voix qui s’élèvent actuellement.
Je suis une jeune directrice passionnée et investie pour une école primaire communale de 27 classes à Bruxelles.
Je serais ravie de m’entretenir avec vous à ce sujet et, si le coeur vous en dit, je vous invite à venir passer quelques heures avec moi.
Au plaisir Madame la Ministre,
“Il est 17h49 ce mardi 14 septembre 2021, je termine ma journée. J’ai envie de vous la raconter…
Pour bien situer le contexte, je dois vous faire un bref résumé de celle d’hier.
Après une formation d’une heure dans le bureau du PSE, je suis ressortie avec mon diplôme de « médecin tracing » sous le bras. En effet, j’ai appris que dans nos nouvelles compétences de directeurs d’école, nous avions maintenant celle du tracing covid.
Poser les bonnes questions aux parents ou à nos collègues, afin de déterminer si les symptômes évoqués sont suggestifs du covid. Formuler et reformuler des questions du type : « Votre enfant a eu mal à la tête ? A-t-il eu de la température ? Combien ? Sous le bras ou dans la bouche ? A-t-il une toux sèche ou une toux grasse ? Se sent-il fatigué ? Vous êtes certain.e qu’il n’a pas demandé à aller se coucher plus tôt qu’à l’accoutumée ? »
Très dubitative sur mes capacités à poser le bon diagnostic, je retourne à l’école. Quoi de mieux que de mettre en application les notions abordées en début de matinée… Un cas Covid Positif m’attendait en cinquième A. Youpie me dis-je !!!!
Cela m’a pris plusieurs heures. Trouver les bons courriers à envoyer dans la circulaire, les lire… comprendre qu’ils ne sont pas corrects… chercher l’erratum de cette circulaire… les compléter. Annoncer la fermeture préventive de la classe car suspicion de cluster. Contacter le médecin scolaire. Décrocher le téléphone, rassurer les parents, expliquer… Fin des activités 18h30.
Ce matin, poursuivre les démarches ; apprendre que les P5A ont eu gym avec les P5B. Qu’une partie des P5C est à l’étude avec les P5A. Faire les courriers bas-risque pour les classes, pour les profs et les éducateurs qui ont été en contact avec cette classe.
Puis un second cas, dans une autre classe et on recommence… encore… j’y ai passé ma journée et pourtant je suis considérée comme rapide dans l’exécution des tâches en général. J’ai dû annuler un rendez-vous en extérieur pour être certaine de pouvoir terminer tout cela.
Je vous rassure, Madame la Ministre, j’ai reçu une gommette verte de la part du médecin scolaire pour les efforts fournis.
Ah, j’oubliais… je suis tenue de veiller à ce que le distanciel soit mis en place pour la classe fermée… cela fait partie de mon job ! Je me suis mise en contact avec l’institutrice… tout est géré… pas de tracas.
En attendant, j’ai annulé ma réunion « relance du contrat d’objectifs » qui était prévue hier.
Je n’ai pas eu l’occasion de contacter le SAJ pour un élève en grande détresse.
Je n’ai pas pu accompagner une de mes jeunes institutrices dans la préparation de sa première réunion de parents qui a lieu ce soir.
Je n’ai pas eu le temps de rédiger une lettre à la cellule consultative de l’enseignement spécialisé pour un enfant diagnostiqué multidys et pour lequel les parents attendent un signe divin.
Je n’ai pas pu contacter la logopède d’un autre élève pour avoir les bilans en vue de faire les aménagements raisonnables.
Je n’ai pas eu le temps de vérifier la date de formation de mes instits P1/P2 pour le tronc commun.
Je n’ai pas eu de temps à accorder aux instits du petit E. qui est vraiment très compliqué à gérer au niveau du comportement.
Je n’ai pas eu l’occasion de rédiger les prévisions en matériel informatique que la commune nous demande ni même d’analyser le contrat pour les classes de neige de mes élèves.
Je n’ai malheureusement pas pu réfléchir au projet d’embellissement de ma cour de récré décorée par des barrières Heras car nous sommes en chantier.
J’ai pris des responsabilités qui, à mes yeux, ne sont pas les miennes tout en délaissant mes tâches principales et fondamentales.
Il est 18h16, Madame la Ministre, je laisse là ma prose qui vous intéressera peut-être ou pas… Je vais maintenant accueillir les parents qui viennent pour la réunion ce soir… Je vous rassure, nous respectons les mesures. Je dois me rendre en P5D, ma classe d’immersion qui n’a, à ce jour, pas de professeur. Nous cherchons depuis le mois de mai… personne… je vais devoir justifier cela… car la pénurie nous joue de drôles de blagues… Aujourd’hui je n’ai pas eu le temps de poursuivre le recrutement…
Ma journée n’est pas terminée… Je suis en colère, épuisée, fatiguée… Nous aussi, comme les PSE ou les PMS, nous sommes soumis à énormément de changements, de tâches, de pression… Pourquoi nous ajouter encore des responsabilités pour lesquelles nous n’avons ni le titre, ni le salaire ??? “